Blanche-Augustine
CAMUS

(1884 - 1968)

<
Oeuvre indisponible à la vente, elle a été proposée dans le cadre de l'exposition "EXPOSITION INAUGURALE AU PAVILLON DE LA REINE JEANNE"

Jeune fille devant Saint-Tropez

Huile sur toile, signée en bas à droite.
71 x 74 cm

Provenance : 
Collection privée, France


DO YOU SAINT-TROPEZ?

Voici le seul tableau peint par une femme que nous sommes en mesure de présenter à l’occasion de cette exposition. Des femmes sur la toile, vues par les hommes, ça oui, mais des femmes aux pinceaux, des femmes derrière les manettes, très peu!

Depuis quelques années, on réalise politiquement cette absence. À coup d’expositions médiatisées, on tente de réparer les oublis, de colmater les brèches de l’inexistence des femmes dans l’histoire de l’art qui précède la période contemporaine.

Elles sont à se pâmer d’admiration, celles qui ont bravé tellement d’obstacles pour exister en tant qu’artistes, celles qui ont osé regarder ailleurs pour créer autre chose que les aquarelles florales ou les miniatures qui leur étaient traditionnellement assignées (travail délicat pour leurs mains fragiles). Les Rosa Bonheur, les Berthe Morisot, les Camille Claudel et les Suzanne Valadon. Chacune est à son tour sanctifiée. Mais comme il n’y en a guère, une fois béatifiées les plus talentueuses, on exhume toutes les autres, on souhaite à tout prix se racheter : il ne sera pas dit que l’homme du XXIème siècle sera le Gargantua de l’ère précédente. On pousse sur le devant de la scène les plus timides, on les exhibe, on les met à la mode.

La femme artiste devient un étendard. Pourtant, toutes les artistes ne se valent pas et le seul fait d’être une femme ayant manié les pinceaux ne saurait justifier un traitement privilégié.
Ce que veulent les femmes, ce n’est pas de la miséricorde, ni de l’indulgence, ce n’est pas la charité envers leurs aïeules. Ce que veulent les femmes, c’est pouvoir apprendre et travailler sans discrimination. À mérites égaux, chances égales. À talent égal, récompense égale.
Voilà ce qui leur a tant manqué. Par essence irrattrapable pour ce qui concerne le passé, malgré de meilleures volontés. Seul compte notre engagement d’essayer de mieux faire à l’avenir.

Blanche Camus est née en 1884 à Paris d’un père pharmacien botaniste. Elle fréquente l’Académie Julian, une fameuse académie libre qui met l’accent sur l’enseignement du dessin et qui est aussi ouverte aux femmes (à condi- tion toutefois de s’acquitter de droits d’inscription deux fois plus élevés que ceux des hommes).

À la différence près que le modèle masculin porte un caleçon pendant les séances de pose, elles peuvent même travailler le modèle “nu”, masculin comme féminin, dans une classe qui leur est réservée.
Blanche est ensuite inscrite à l’Ecole des beaux-arts, où elle est élève de 1902 à 1908. Les femmes n’y sont admises que depuis quelques années et surtout, ce n’est qu’en 1903, au cours de sa scolarité, qu’elles sont enfin autorisées à concourir pour le prestigieux Prix de Rome, couronnement public d’une vocation et lancement d’une carrière pour l’heureux élu.

Dès 1908, Blanche Camus ira s’établir à Saint-Tropez. C’est dans la lumière méditerranéenne qu’elle puisera l’essentiel de son inspiration. À l’image du tableau que nous présentons, elle figure très souvent des femmes dans un paysage ensoleillé, des scènes quotidiennes ou familiales dans une douceur de vivre toute méridionale.
Ces sujets, leur exécution et leur traitement, baigné de lumière, ne sont pas sans rappeler les oeuvres d’Henri Lebasque, qui ont connu meilleure fortune.

En tous cas, l’artiste se révèle être une peintre moderne, ayant retenu et assimilé les leçons de l’impressionnisme et même, celles du fauvisme, pour construire sa voie propre.
Elle expose à la galerie Georges Petit, chez Bernheim-Jeune.

En 1915, avec sa sœur Aimée-Antoinette, une botaniste reconnue, elle entreprend un périple dans les Pyrénées, s’aventure presque jusqu’en Turquie en suivant les rives de la Méditerranée.
C’est à peu près tout ce qui est parvenu jusqu’à nous de la vie de l’artiste. Heureusement, son oeuvre ne fut pas tout à fait oublié car certains de ses tableaux se trouvent dans les musées français (à Besançon, Châlon-sur-Saône, Douai, Lyon et Nice) et l’artiste a suffisamment produit pour que le marché voie de temps à autres surgir une bonne toile comme celle que nous présentons.

À l’ombre d’un arbre, une jeune femme est élégamment appuyée sur le muret qui borde un chemin, son visage tourné vers un lointain que contemple aussi le spectateur du tableau.
Au bout du chemin, un peu en contrebas, Saint-Tropez étale ses toits roses, dominés par son campanile méditerranéen. Dans le fond de la composition, la mer et les montagnes bleutées ferment l’horizon.
L’ensemble est donc savamment étudié et étagé. Il en va de même des couleurs, par le surgissement de l’univers féminin, rouge orangé, dans cet écrin de verdure. Conforté par le traitement de la lumière, ce morceau de printemps est une réussite.